L'illusion de réalisation provoque le naufrage des dominants.
Pour beaucoup, que ce soit dans leur vie personnelle ou dans leur parcours professionnel, le pouvoir et l'autorité sont ressentis comme un accomplissement. Mais ce sentiment ne serait-il pas toxique s’il s’arrêtait là ?
Pour ceux qui sont dignes de pouvoir et d'autorité, l'humilité et la responsabilité sont deux valeurs indissociables de leur exercice.
Ceux qui en sont indignes deviennent simplement arrogants.
Le sujet est que, fondamentalement, pouvoir et autorité sont des outils de développement personnel et collectif, et non une quelconque marque de supériorité propre à contenter l’égo (oui, je sais, c’est déjà une évidence pour beaucoup d’entre vous, mais certaines évidences sont de bons points de départ, non ?).
Ne confondons pas accomplissement et contentement.
Le contentement et l’épanouissement sont, sous certains aspects, presque identiques, mais ce sont deux expériences distinctes. S'asseoir sur la plage, les pieds dans l'eau, est « contentant », détendant, relaxant. Trouver son bonheur en se mettant au service des autres à travers l’autorité et/ou le pouvoir est épanouissant.
La différence entre contentement et épanouissement c’est que le contentement est fugace et évolue vers l'ennui.
Le danger auquel nous sommes souvent confrontés est que le contentement peut ressembler à l’accomplissement.
Une des différences entre les deux notions est qu’être content nous fait nous sentir bien dans l’instant, alors que s’accomplir nous fait accéder à un état durable, voire permanent.
OK, jusque-là, on est dans la sémantique et vous vous demandez peut-être où je veux en venir et quel intérêt il y a à se pencher sur la chose.
L'excitation de réussir sans avoir à produire d’effort, c'est comme prendre de la vitesse : c’est grisant, jouissif, mais ce n’est pas satisfaisant.
La jouissance n’est pas un accomplissement, car l’accomplissement a un coût alors que la jouissance est facile. Je peux me promener au musée du Louvre et admirer les peintures. Mais, si je n’ai pas fait le travail de compréhension de l’art, je n’en retirerai pas un réel épanouissement.
Alors pourquoi cette préparation et ce travail sont-ils importants dans la perception de son accomplissement personnel ?
Est-ce simplement le plaisir inutile de faire l’apologie de l’effort, voire de la souffrance ? N’est-ce « bien » seulement parce que c’est difficile ?
En fait, le travail nous permet une prise de conscience en profondeur d’un sujet, d’un problème, et c’est cette prise de conscience qui nous fait évoluer vers une meilleure version de nous-même. C’est la conscience du progrès personnel qui confère le sentiment d’épanouissement.
C’est la compréhension de notre évolution qui nous épanouit et non pas le résultat obtenu en lui-même. Le résultat n’est qu’un indicateur.
C’est notre niveau de conscience qui détermine la qualité du résultat et non l’inverse. Si l’on obtient un bon résultat sans avoir compris le cheminement qui nous y mène, il y a fort à parier que nous serons dans l’impossibilité de réitérer la performance dans le futur. En fait, nous aurons stagné.
L’objectif, le résultat escompté, est le moyen, l’outil mis à notre disposition ; le cheminement pour l’atteindre est le réel objectif, la source réelle d’épanouissement.
Dans notre environnement actuel où la facilité et l’instantanéité deviennent les principaux critères de choix, il n’est pas très étonnant que les souffrances réelles (dépressions, burnout, harcèlements, perte du sens de sa vie, etc.) croissent et se multiplient.
Nous perdons progressivement notre capacité à résoudre les problèmes…
Refuser, nier ou fuir un problème n’a jamais permis à personne de le surmonter. En revanche, le comprendre à la fois dans sa teneur et dans sa signification permet, non seulement de le résoudre, mais également de faire en sorte qu’il ne se reproduise pas.
Le respect de soi est le côté noble de la réalisation. Vous ne vous respectez pas particulièrement lorsque vous vous détendez, à moins que la détente ne soit la récompense d’un effort identifié. Et même dans ce cas, de petites doses de relaxation suffisent.
Tout ce qui vient facilement ne peut participer que très marginalement à une quelconque progression.
L’unité de mesure de l’accomplissement personnel est l’effort.
Avant de faire acte de pouvoir et d’autorité, il faut se demander si l’effort produit au préalable a été suffisant pour prendre conscience du problème dans sa globalité ; la solution proposée est-elle une solution qui vous fait grandir en même temps que ceux auxquels votre pouvoir et votre autorité s’adressent ?
Si ce n’est pas le cas, reportez votre action et remettez-vous au travail. Vous pouvez faire mieux. Votre performance, votre épanouissement et celui des autres sont à ce prix.
Si exercer votre pouvoir ou votre autorité vous semble facile, c’est que vous ne donnez pas votre maximum dans cet exercice et que, en conséquence, vous êtes en train de vous planter tant dans votre progression personnelle que dans les résultats concrets que vous visez.
Se réaliser n’est pas pratique, n’est pas facile, mais ô combien satisfaisant. Etre prêt à sortir de sa zone de confort est la seule manière de pouvoir s’épanouir dans quelque domaine que ce soit.
Pouvoir et autorité caractérisent des formes de liens aux autres. Comme tous liens, ils relient autant l’une des parties que l’autre et chacune d’entre elles interagit sur l’autre. Si l’on ne tient pas compte de ce qui se passe à l’autre extrémité du lien, ce dernier n’a plus de sens et il se brisera inévitablement un jour, au détriment de tous.
Alors, à tous ceux qui ont une once de pouvoir, prenez conscience d’une chose : la vie ne vous a pas conféré ce pouvoir pour vous procurer la satisfaction sociale de vous croire supérieur aux autres. Elle vous l’a conféré sans doute parce que vous le méritez, mais certainement pour vous donner un outil de progression personnelle et collective.
Si, comme certains, vous considérez que ceux qui ne disposent pas de pouvoir, ou en disposent moins que vous, « ne sont rien », vous prouvez à la vie qu’elle a eu tort de vous le confier… et la vie n’aime pas avoir tort… alors méfiez-vous par anticipation et faites en sorte de le mériter, plus que de l’afficher.
Ce n’est pas une leçon… juste un conseil…