Dans un précédent post, nous avions vu ce qu’étaient « les piliers de la mission d’une entreprise responsable », c’est-à-dire les deux grands fondements sur lesquels elle peut avantageusement baser sa relation à son environnement : le respect humain et le respect du bien commun.
Suffit-il d’avoir ces deux grands principes en tête pour les décliner dans le concret des affaires, ou pourrions-nous aller plus loin pour une mise en pratique structurée ?
Une fois posés les deux piliers généraux, il est intéressant, selon moi, d’aborder, dans un premier temps, les vertus qu’une entreprise voulant se positionner comme responsable doit viser pour, dans un deuxième temps, aller plus en détail sur les comportements qu’elle peut adopter pour y parvenir.
Les principales vertus qu’une entreprise responsable peut viser, dans sa quête à devenir « responsable », sont au nombre de cinq. Ses liens à son environnement doivent la caractérisée comme :
. Honnête et juste,
. Citoyen actif,
. Employeur responsable,
. Protecteur du futur,
. Inscrire sa performance comme durable.
Dans un souci de ne pas monopoliser trop longuement votre attention dans une journée qui doit déjà être bien chargée, je scinderai mon propos en cinq posts successifs, le premier étant consacré à détailler ce qu’est une entreprise « honnête et juste ».
Mon propos n’est pas d’aborder la chose sous un angle moral, mais plutôt de voir quels bénéfices une entreprise peut retirer concrètement du respect de ces orientations.
Alors, en quoi consiste adopter un comportement « honnête et juste » et quels bénéfices en retirer ?
Dans ce post, nous aborderons ce sujet sous l’angle des relations d’une entreprise avec son environnement immédiat et courant, à savoir les clients et les fournisseurs (les banquiers étant des fournisseurs comme les autres).
De manière sans doute non exhaustive, un comportement honnête et juste, pour une entreprise, peut être décliné en quatre grandes rubriques :
Croire que l’on contrôle sa rentabilité simplement en pressurant ses fournisseurs et en maximisant son prix de vente est, peut-être, logique mathématiquement et simple intellectuellement, mais c’est aussi montrer son ignorance quant à la manière dont fonctionne la relation profonde qui existe entre une entreprise et son environnement.
L’une des choses les plus importantes, pour une entreprise, est la stabilité. C’est ce qui permet d’organiser le développement.
Croire que les partenaires resteront fidèles et constants si la relation que l’on entretient est déséquilibrée est un leurre qui a généré plus d’un dépôt de bilan.
Je me souviens d’une entreprise de plats cuisinés que les fondateurs avaient développée, pendant trente ans, avec une exigence particulière concernant la qualité des produits, le respect des fournisseurs et une maîtrise certaine des prix de vente, puis vendue à un fonds d’investissement.
Celui-ci avaient mis en place un patron qui, pour améliorer une rentabilité déjà vraiment excellente (digne du secteur du luxe !), a appauvri les recettes de cuisine et dénaturé les relations avec les fournisseurs.
En trois ans la société a déposé son bilan et 70 personnes se sont retrouvées au chômage….
Trois ans contre trente ans…
Et je vous garantis que l’histoire n’est pas plus compliquée que cela…
Quoi que l’on ait l’impression de contrôler, en affaire comme dans tout, il me semble bon de garder à l’esprit que la vie est plus intelligente que nous et que l’on obtient à la mesure de ce que l’on donne. Pas forcément directement, parfois sans que l’on puisse établir de lien direct entre les deux, mais c’est une loi qui se vérifie pour peu qu’on cherche à la tester.
Construire une relation durable avec clients et fournisseurs oblige à prendre en considération, avec respect, leurs impératifs et confère à l’activité une solidité dont l’entreprise bénéficiera durant les périodes de difficultés.
Cela rejoint, sous certains aspects, le point précédent avec une focalisation particulière sur la qualité du lien avec les clients à travers le produit commercialisé.
A un certain niveau, la relation avec le client est une forme de contrat tacite : il achète un produit ou un service en fonction de la perception qu’il en a à travers ce que lui en dit le producteur.
Si l’offre est conforme ou supérieure à l’attente du client, au-delà de la satisfaction ponctuelle de ce dernier, il en concevra un sentiment d’avoir été respecté et inscrira son lien avec l’entreprise dans une relation de confiance, donc de durée.
L’illustration quasi caricaturale des dérives en la matière est l’histoire de l’entreprise Spanghero. Elle a trahi la confiance de ses clients en vendant de la viande de cheval alors qu’elle promettait du bœuf.
Quel que soit le responsable de cette malheureuse affaire, force est de constater que, suite aux révélations, la société a perdu 50% de son chiffre d’affaires en un an et a été dans l’obligation de déposer son bilan.
Et que dire de la publicité vantant les mérites du Roundup mettant en scène un chien qui pouvait, en toute quiétude, enterrer son os dans un sol traité avec ce produit et le sortir pour le manger sans aucun souci pour sa santé… Produit bon et sûr ?
Ce que j’écris là sonne comme des évidences intellectuelles pour nous tous et donc d’un intérêt seulement très relatif. L’intérêt viendra davantage quand il s’agira d’en étudier la mise en pratique concrète.
Nous le savons tous : un fournisseur n’est ni un esclave, ni un banquier.
De même, pour reprendre l’histoire Spanghero, il ne doit pas être un faussaire.
Les relations commencent à se pervertir quand une hiérarchie s’instaure entre client et fournisseur. Quand une relation de dépendance est actée et dénaturée en domination par l’une ou l’autre des parties.
C’est souvent le cas entre les enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs. Le schéma fréquent est d’accroître les achats auprès d’un fournisseur et, une fois celui-ci devenu dépendant de l’enseigne, le contraindre à baisser ses prix de façon aussi variée qu’irraisonnable (baisse de prix, mais également marges arrières, participation aux opérations promotionnelles, aux frais de communication de l’enseigne, etc.).
De même, il est considéré qu’une société est financièrement bien gérée quand elle obtient que ses clients la payent rapidement et qu’elle-même règle ses fournisseurs avec des délais importants. Le fournisseur devient le banquier, sans qu’il n’existe aucune justification à la chose, si ce n’est un rapport de force qui le permet.
Le rapport de force primaire est un faux ami. Je sais que c’est la base d’un grand nombre de relations dans le monde des affaires et qu’il peut sembler idéaliste et irréaliste de le remettre en cause. Mon expérience de la chose me fait dire que, pour peu qu’on le comprenne et l’applique différemment, il peut être générateur de progrès.
Un dominant a intérêt à servir. Il est là pour permettre au dominé de s’améliorer car, ce faisant, le dominé se renforce, devient un allié et avoir des alliés forts est préférable à en avoir de faibles. Compter sur sa seule force pour affronter la vie n’a aucun sens, même dans le monde des affaires.
De plus, compte tenu de l’impermanence des choses, rien ne dit qu’un dominé ne deviendra pas dominant ultérieurement. Mieux vaut être prudent…
Rassurez-vous, il ne s’agit pas de mettre sur la place publique les brevets et savoir-faire spécifiques à votre entreprise. Cela n’aurait pas vraiment de sens et irait à l’encontre à la fois de ce qui la différencie et donc constitue sa valeur, ainsi que de sa pérennité dans le progrès.
Il s’agit d’être transparent avec l’univers que constitue l’environnement de votre entreprise pour vous inscrire en son sein de manière harmonieuse.
Cette transparence concerne :
Encore une fois, plus un partenaire est fort, plus il est utile à long terme à l’entreprise. Vouloir contrôler une relation par la domination, la dissimulation ou même les contre-vérités est non seulement illusoire, mais c’est également l’assurance de parvenir, sur le long terme, à un résultat perdant-perdant.
Alors, peut-être que tout cela vous paraît une évidence dans l’absolu, mais inapplicable dans le monde des affaires. Si c’est ce que vous pensez, vous avez raison ! Mais cette raison ne concerne que vous. Il vous suffirait d’accepter de penser autrement et d’essayer dans la pratique pour vous réjouir d’avoir eu tort auparavant.