Je rencontre, dans mon activité de coach de vie, un certain nombre de personnes souffrant de dépendance affective.
En l’absence de définition claire de ce qu’est la dépendance affective, on l’approche par les signes, les comportements qu’elle induit.
Le chercheur et psychologue américain Gregory L. Jantz a identifié 9 signes de la dépendance affective :
1- Avoir du mal à prendre des décisions sans conseil ni validation d'un tiers.
2- Compter sur d'autres (conjoint, famille, amis) pour assumer les responsabilités dans les domaines importants de sa vie (revenus, gestion administrative, santé, organisation domestique…).
3- Craindre et éviter tout désaccord avec son interlocuteur (peur des conflits, d'être rejeté, exclu).
4- Avoir du mal à démarrer des projets ou à faire les choses par soi-même.
5- Se sentir anxieux ou complètement détendu quand on est seul, à la pensée de l'être.
6- Se rendre spontanément responsable de ce qui ne va pas (dans le domaine privé ou professionnel).
7- Se sentir obligé de satisfaire les demandes et besoins d'autrui.
8- Avoir vraiment besoin de l'approbation et du réconfort des autres.
9- Être incapable de poser et de défendre ses propres limites.
Au-delà de ces symptômes divers, je voudrais m’attacher à la relation d’amour entre deux personnes dans laquelle s’exprime la dépendance affective.
En coaching de vie, je reçois de nombreuses personnes souffrant de dépendance affective. Leur démarche est souvent très similaire : elles tentent de donner à leur partenaire le plus d’amour dont elles sont capables, espérant que par cette démarche elles en recevront autant.
La personne ne vit que par la relation qu’elle entretient avec un ou une partenaire affectif(ve), ne voit sa vie qu’en fonction des réactions de l’autre et, pire encore, ne conçoit son utilité personnelle que dans la satisfaction des désirs de l’autre, quels qu’ils soient.
Pour faire court, le principe est : « plus je lui donnerai de l’amour, plus j’en recevrai de sa part ». L’amour se désincarne en quelque sorte. Il n’est plus lié à la personne humaine, mais il a son existence propre en tant que flux émotif.
Comme j’ai besoin d’amour, je ne vais plus faire attention à qui est la personne en face de moi, ni à qui je suis réellement, je vais seulement essayer d’obtenir des comportements amoureux de l’autre. Et la seule manière d’y parvenir est de lui en donner un maximum.
Evidemment, en appliquant une telle stratégie, le partenaire se sent mis en valeur. Rapidement, il n’accorde donc d’importance qu’à lui-même et pense être le seul à être digne d’amour puisque le dépendant affectif ne lui apporte qu’une vision idéale de lui-même.
Pour quelle raison le partenaire éprouverait-il un réel amour pour le dépendant puis que ce dernier ne lui apporte rien de ce qu’il ou elle est ? Le résultat est évidemment que le partenaire estime que le dépendant ne lui est utile que pour le valoriser lui-même et finit généralement par en abuser.
J’ai même rencontré des personnes qui se trouvaient progressivement complètement dénaturées par le fait d’être en couple avec un dépendant affectif. Elles ont l’impression de ne rien avoir à prouver à l’autre pour être aimée, de ne plus avoir à faire d’efforts pour nourrir la relation d’amour et dérivent progressivement vers des attitudes tyranniques, alors même qu’elles étaient parfaitement « normales » auparavant.
Le dépendant leur accorde une importance qu’elles ne sont pas censées avoir et qui est propre à les désorienter si elles sont de bonne constitution, et à les pousser vers le côté obscur dans le cas contraire (elles n’ont alors besoin de l’autre que dans la mesure où celui-ci valorise leur propre égo, sans ne tenir aucun compte de la personnalité du partenaire).
Si vous mettez l’autre en totale responsabilité de votre bonheur, c’est trop de pouvoir : soit il vous fuit, soit il en abuse. Dans un cas comme dans l’autre, vous n’atteindrez pas l’objectif de bonheur affectif que vous vous étiez fixé.
Une telle stratégie ne fonctionne donc pas…
L’amour n’est pas une marchandise, un produit indépendant de tout, que l’on pourrait dispenser à son gré et échanger contre une réciprocité d’amour. L’amour n’est pas un sentiment désincarné, c’est un lien basé sur ce que l’on apporte à l’autre en tant que personne. On n’est pas une dose d’amour, on est une personne. On n’apporte pas aux autres une dose d’amour, on apporte aux autres ce que l’on est.
Avant de se chercher dans les yeux de l’autre, il faut préalablement s’être trouvé dans ses propres yeux à soi.
Vaincre la dépendance affective, c’est trouver qui l’on est, et aimer ce que l’on y trouve.
Je coachais une jeune femme qui avait tout pour elle : jeune, belle, intelligente, une profession valorisante dans laquelle elle réussissait… mais follement amoureuse d’un homme qui la détruisait par des critiques sans fin et des comportements égotiques permanents.
Elle voyait bien les défauts de cette relation, mais ne parvenait pas à s’en défaire. Le sujet était qu’elle se sous-estimait continuellement face à l’autre qui en profitait.
Et pourquoi se sous-estimait-elle ? Parce qu’elle n’avait aucune référence cohérente, aucun appui conscient en elle-même pour construire son estime de soi.
Nous avons donc travaillé ce sujet (en cohérence avec ce qui est écrit dans ce post : « Aime les autres comme toi-même… oui, mais c’est quoi s’aimer soi-même ? ») et, assez vite (une dizaine de séances), sa vie a changé : elle a interrompu sa relation toxique, a entamé une nouvelle liaison amoureuse équilibrée et, surtout, revisite l’ensemble des composantes de sa vie à l’aune de ce qu’elle a découvert d’elle-même.
Cette nouvelle conscience n’entraine pas de grands bouleversements factuels, mais lui permet de vivre sa vie avec plus d’intensité.
La vérité complète est qu’elle garde encore une certaine nostalgie de cette relation toxique d’amour inconditionnel et défoulatoire qui se traduisait certes par l’annihilation de ce qu’elle était en tant que personne, mais également par un don absolu à l’autre qui donnait un sens particulier à sa vie.
Elle se sent toutefois beaucoup plus forte, plus en responsabilité de sa vie et, de ce fait, en mesure de construire l’avenir qu’elle se souhaite pour une belle vie.
Alors, en cas de dépendance affective que vous constatez et qui vous fait souffrir, ne perdez pas votre temps à essayer de changer l’autre ou à espérer qu’il change de lui-même, tout en continuant à l’inonder de comportements amoureux. Ça ne fonctionnera jamais.
Apprenez qui vous êtes et appréciez-le à sa juste valeur. Vous acquerrez autonomie et personnalité, et c’est votre particularité en la matière qui est seule susceptible de provoquer les comportements affectifs que vous souhaitez de votre entourage.
Le comportement de la personne dont vous êtes dépendant(e) affectivement peut changer du tout au tout en mieux, mais il faut commencer par faire évoluer votre comportement pour provoquer ce changement.
Si vous êtes dépendant(e) affectif(ve), le bonheur n’est pas très loin de là où vous êtes. Si vous ne parvenez pas à l’atteindre seul(e), il existe des personnes qui peuvent vous y aider. Elles font le métier de coaches de vie…