J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de personnes qui, à un moment ou à un autre, se disaient attachées au perfectionnisme.
C'est vrai que nous avons tous grandi en pensant que la perfection était un objectif plus que louable, presque nécessaire. Nous avons appris à l'école que les erreurs étaient mauvaises et donc à éviter.
Nous ne nous sommes souvent pas rendu compte que la perfection était un objectif inaccessible. On pensait que si on essayait plus fort, on pourrait l'atteindre.
Bonne ou mauvaise nouvelle, c’est selon… la perfection n’est pas accessible.
La vie est trop complexe pour la perfection. Elle ne fonctionne pas comme ça. Essayer de me transformer en personne parfaite ne fonctionnera pas. C'est une réalité qui ne se produit tout simplement pas.
Et c’est très bien comme ça, car trouver son moi parfait ne serait pas un point final idéal.
L’imperfection a beaucoup d’avantages. Assez étrangement, l'imperfection est souvent préférable à la perfection.
Le principe de base de la vie sur terre est l’existence du temps et de l’espace. Or, je l’ai déjà dit, quel est l’apport majeur de ces deux éléments ? Permettre l’évolution. Si la perfection était atteignable, il n’y aurait plus besoin d’espace et de temps, car plus besoin d’évolution. Ce serait donc une forme de fin du monde. La vie n’aurait plus lieu d’être.
Alors, pour vous qui vous intéressez au développement personnel, quels sont les principaux inconvénients du perfectionnisme ?
Le perfectionnisme est l’illusion de pouvoir tout contrôler. Contrôle de l’objectif, de sa pertinence pour moi et des moyens à employer pour y parvenir.
Pour être perfectionniste il faut avoir un objectif de perfection, c’est évident. Or, ce type d’objectif évolue avec mon niveau de conscience. Ce qui représentait la perfection pour moi il y a quelques années est souvent complètement différent de la représentation que j’en ai aujourd’hui. Ce n’était donc pas, à l’époque, la perfection. Ma quête était donc illusoire.
De même, ma connaissance de moi-même ou de mon environnement est incomplète. Je peux me découvrir des ressources insoupçonnées, ou des manques, en fonction de nouvelles expériences de vie. A partir de là, comment être sûr que l’objectif de perfection sur un sujet précis est pertinent pour moi ?
Enfin, faudra-t-il dénaturer le dicton en posant que « la fin justifie les moyens » ? Car c’est clairement à ça que nous mène le perfectionnisme. L’objectif justifie que l’on emploi tous les moyens à notre disposition, puisque c’est la perfection que l’on veut atteindre.
La conséquence est que l’on peut dire adieu au « vivre ensemble », à l’empathie, à la tolérance et à tout ce qui nous rapproche d’une certaine forme de perfection. C’est la porte ouverte à toutes les formes de dictatures : dans la vie de couple, dans les relations de travail, en matière d’environnement politique, etc. On va vouloir contrôler l’autre pour parvenir à l’objectif que l’on s’est fixé. Qu’importe la liberté de l’autre puisque c’est pour la « bonne cause » !
En fait, être perfectionniste équivaut alors à s’engager à contre sens, à lutter contre la perfection…
b) Le perfectionnisme est une démarche d’isolement
On s’extrait de la vie car on lui dénie son importance dans les apports qu’elle peut générer spontanément dans nos vies. La seule option qui lui reste est alors de nous apporter des signes de notre fausse route sous la forme d’épreuves.
Pleinement concentré sur notre quête de perfection, voilà ce qu’il se passe :
Comme, vous en conviendrez, rechercher la perfection en tout à la fois serait absurde de difficultés, le perfectionniste se concentre généralement sur un objectif précis. Il délaisse donc les autres, devient hyperspécialisé et passe souvent à côté des autres aspects de sa vie.
Un petit exemple vécu : une personne que j’accompagnais se trouvait assez clairement dans un perfectionnisme outrancier ; elle ne s’intéressait qu’aux personnes qui pouvaient lui apporter de la matière lui servant à progresser vers ses objectifs professionnels. Lesdits objectifs étaient parfaitement louables, mais ils prenaient tout le temps de vie de cette personne.
Célibataire, quand il rencontrait une personne avec laquelle il aurait été susceptible de créer des liens affectifs, il passait son chemin car, selon lui, une relation aurait forcément entrainé une perte de temps par rapport à ses objectifs.
Son perfectionnisme était tel que, lorsque j’évoquais avec lui une notion qui ne lui était pas familière, il allait immédiatement acheter un livre traitant du sujet pour revenir, la séance suivante, avec une quasi expertise en la matière.
Vous vous doutez bien que, dans ce contexte, j’ai fait en sorte de le brancher sur le sujet de l’humilité. Ça n’a pas manqué ! Alors qu’il était en train de lire un livre sur le développement personnel, il s’est interrompu pour foncer à la Fnac trouver un livre sur l’humilité. Il n’en a trouvé qu’un qui ne lui convenait pas et est donc finalement rentré chez lui bredouille.
Dépité, il a recommencé sa lecture du livre sur le développement personnel et en tournant la page qu’il lisait avant de partir pour la Fnac, il s’est aperçu que le livre traitait de l’humilité de façon fort pertinente.
En étant trop perfectionniste, il avait fait exactement ce qu’il refusait de faire avec obstination dans sa vie : perdre son temps qu’il jugeait si précieux et si contrôlable.
Comme il s’agit de quelqu’un d’intelligent, nous avons bien ris de cette anecdote et en avons tiré les enseignements nécessaires.
La « morale » de l’histoire, c’est qu’il est important de laisser sa place à la vie pour lui permettre de vous apporter plus et mieux que ce dont vous êtes capable tout seul. Or, si vous considérez être le seul à pouvoir agir sur vos objectifs, vous l’empêchez d’intervenir positivement.
Je résumerais les avantages de l’imperfection par cette affirmation qui n’engage que moi : l’imperfection c’est la vie !
Dans une vie précédente, au cours de laquelle je conseillais les entreprises, j’ai maintes fois été confronté au sujet. Beaucoup d’entreprises françaises attendaient d’avoir élaboré le produit parfait pour le mettre sur le marché et, ainsi, rataient souvent le coche (oserais-je dire le « coach » ?), la fenêtre la plus favorable pour pénétrer un marché.
A contrario, les entreprises américaines n’avaient pas ce souci. Elles élaboraient un produit dans une version « viable », le mettaient sur le marché et le perfectionnaient progressivement ensuite. Cela leur permettait de prendre des positions de précurseur sur leur marché et de les consolider par la suite. Ils intégraient le principe d’évolution dans leur raisonnement économique.
La conscience de notre imperfection est l’une des choses qui nous relient aux autres. Si je sais que je suis imparfait, je vais chercher à m’améliorer et donc à trouver des sources d’amélioration. Or, quelles meilleures sources que celles que constituent les personnes qui m’entourent ? Même le livre que je vais lire provient du cerveau de quelqu’un d’autre. Cette démarche induit des valeurs comme la curiosité et l’amour de la différence pour ne citer qu’elles.
De plus, si j’ai conscience de mon imperfection, je vais admettre tout naturellement que l’autre le soit aussi… imparfait. Cela va donc m’ouvrir à des valeurs comme la bienveillance, la tolérance, le respect de l’autre, etc. Tout un ensemble de facteurs qui vont me faciliter l’échange, donc le progrès personnel, qui, à son tour, aura un impact positif sur mon environnement et sur mon efficacité dans mes interactions avec lui.
Nos imperfections font partie de qui nous sommes. En fait, nous devrions être heureux de ne pas être parfait.
Notre imperfection fait notre caractère unique. S’il n’y a qu’une forme de perfection, pourriez-vous imaginer ce que serait le monde si nous étions tous les mêmes ? Il n'y aurait pas de caractéristiques qui vous différencient des autres.
Nos défauts sont une partie de nous. Nous pouvons même apprécier nos propres imperfections comme signature de notre différence.
Il y a des moments pour vous efforcer d'être meilleur et il y a des moments pour apprécier vos imperfections.
Aux perfectionnistes, je dirais : laissez un peu retomber la pression. Le seul domaine sur terre sur lequel vous avez un contrôle total est celui de vos valeurs de vie. Vos objectifs sont importants, mais en contrôlant les valeurs de vie que vous possédez, la destination que vous atteindrez sera encore plus favorable que ce à quoi vous vous attendiez ou que ce à quoi vous aspiriez.
C’est un peu la signification du dicton : « l’important n’est pas la destination, mais le chemin ».
Mon propos n’est pas de vous inciter à ne pas évoluer vers la meilleure version de vous-même, vous vous en doutez bien… Progressez le plus possible, mais avec mesure, avec ouverture sur ce que vous propose la vie.
La forme la plus proche de la perfection que l’on puisse atteindre est l’union des imperfections. Elle est forcément liée à l’autre.
Je conclurai d’un mot : mektoub !